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nos moutons
18 novembre 2006

MATIÈRES PREMIÈRES, CORPS DÉTACHÉS (avec instructions de montage)

La logique économique pure conduit au cannibalisme.
Ernst Jünger

Vous partez en voyage dans un avion de ligne. Vous vous présentez dans un aéroport, au comptoir d’enregistrement. Après une attente patiente on vérifie votre identité, votre passeport et votre billet. Si ces documents sont assez convaincants, on admettra que vous êtes vous, celui qui figure sur la liste.

Vos bagages estampillés sont engloutis par un tapis roulant comme une longue langue sombre, et disparaissent  dans des intestins mécaniques inconnus au long desquels il seront triés et examinés, parfois même éventrés. La sécurité, la vôtre, le justifie. Vous allez du reste subir un parcours analogue.

Vous êtes face à des uniformes : devant vous se trouve une table, et sur cette table différentes boites dans lesquelles vous abandonnerez tous ces colifichets qui vous accompagnent, ces petites choses auxquelles vous donnez plus ou moins de valeur sentimentale : votre montre, votre stylo. Vous enlèverez aussi votre ceinture. Vous n’êtes pas un criminel en puissance : vous êtes l’arme possible du crime. Il faudra vous dénuder pour prouver le contraire.

Dépouillés de ce qui pourrait ressembler à une bombe, c’est à dire à peu près tout ce que vous portiez de métallique, vous subissez une fouille corporelle dont la portée est laissé à l’appréciation d’un consciencieux fonctionnaire dont on souhaite qu’il imagine le plus tard possible que la bombe ait pu être avalée. Il doit bien y avoir quelque part quelqu’un qui prépare un explosif qui se déclenche grâce à une réaction chimique avec les sucs gastriques.

Pendant que le fonctionnaire procède, ne bougez pas, faites ce qu’on vous dit. Tout se passera bien.

Vous êtes à présent une pièce de plus dans une machine appelée “avion”. Votre corps est intégré à sa mécanique. Vous êtes une de ses pièces, vous avez réussi les contrôles de qualité, une défaillance est apparue improbable. Placé sur le siège qui vous est attribué, attaché, vous devrez bouger le moins possible. (Un comble de prévenance vous proposera des films pour vous en passer l’envie.)

Mais votre corps lui-même peut également être démonté. Chacun de vos organes pourra bientôt être changé et remplacé.

Considérez-vous dans un miroir et pensez que tout ce qui vous caractérise, le visage dont quelqu’un, peut-être, a rêvé, les mains avec lesquelles vous caressez, les doigts avec lesquels vous mangez, ce ventre qui se tord quand vous avez peur, tout cela peut être tranché d’un coup de bistouri sec, arraché avec un bruit de viande hachée que l’on malaxe dans la sauce, conservé dans des sacs de congélation (en plastique avec fermeture à glissière), transporté dans des glacières métalliques, vendu, échangé...

Vos cellules sont en vente presque libre. Vous êtes cultivable en laboratoire.

On vous a dit que personne n’est indispensable, que vous pouviez tout juste prétendre à être utile, et vous l’avez accepté.
À présent vous n’êtes même plus unique.
Vous êtes un conglomérat remplaçable que l’on pourra à tout moment défaire et refaire et dont les éléments pourront être dissociés, exploités, reproduits, et distribués, pour des besoins qui n’ont pas à être discutés. Il faut “sauver des vies” (ce prétexte à tout y compris à en supprimer) c’est à dire élaborer d’autres conglomérats analogues au vôtre. Simple question de compatibilité, de même qu'un programme est "compatible".
Vous n’êtes plus. La science vous a dissout. Vous êtes recyclable.

Vous croyiez être un aboutissement et un commencement, le fruit d’une lignée et le germe d’une autre. Mais quand vous concevrez un enfant, on le placera dans l’azote liquide et son développement sera stoppé pour qu’il ne serve plus qu’à prélever des cellules qui serviront à reconstituer des corps (que l’on placera dans des avions). Ou bien on le réimplantera. Dans votre corps, ou dans un autre. Peu importe, ça n’est qu’une matière première.

Que manque-t-il donc pour qu’on cultive les enfants à des fins alimentaires plutôt que thérapeutiques ?

Qui a démonté mes moutons ?

LES_MOUTONS__fin_de_texte_

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Commentaires
C
Cadeau pour les présumés coupables : http://img256.imageshack.us/img256/4822/p1030839zi3.jpg<br /> (ben ouais, il a fallu que j'en remplisse 5 (le recto hein, pas le QCM) tant c'est mal fichu…<br /> Ma carcasse est entière, mais j'ai laissé des bouts de doigts et une empreinte rétinienne à San Francisco… micro-onder la puce RFID de mon passeport ne servirait à rien ! C'est trop taaaard…<br /> <br /> Au fait, si quelqu'un a besoin d'un poumon grisâtre, je suis A+
S
Plus d'âme, plus d'esprit, plus de cœur, rien que de la chair au degré de dangerosité nébuleux, mais indubitable, peur oblige. Déjà, dans les entreprises, se fait-on vampiriser tout son sang, en se laissant presser comme des citrons. Jetables après usage, les citrons, il va sans dire. Alors, le cannibalisme est à porter demain, à portée de main...<br /> <br /> Viens d'emprunter un livre aujourd'hui : La peur, histoire d'une idée politique. Paru en 2004. L'auteur, Corey Robin, enseigne Science po à Brooklyn College, N. Y. Un écho à votre citation d'Ernst Jünger : «Il n'y a rien de particulièrement nouveau, ni d'intrinsèquement républicain, dans cette collaboration du secteur public et du secteur privé. C'est même un réflexe tellement banal - et bipartisan - que j'ai baptisé cette collusion : la peur "à l'américaine". La peur à l'américaine n'est ni une sombre conspiration ni un complot daibolique. C'est simplement le résultat de ce qui arrive quand les gens se contentent de poursuivre leurs intérêts. C'est "business as usual", une journée de plus au bureau, bref, l'œuvre tranquille - et perverse - de la main invisible d'Adam Smith.» <br /> <br /> Ah et pour la route, une citation, toujours par Robin, du cardinal de Richelieu, avant de finir à l'abattoir : «Dans les affaires ordinaires, l'administration de la justice requiert des preuves véritables; il n'en va psa de même des affaires de l'État... Là une circonstance urgente peut parfois tenir lieu de preuve; la perte d'un particulier ne peut se comparer au salut de l'État.» Trois siècles + tard, en pleine guerre froide, le juriste américain Learned Hank a reformulé ce principe en écrivant que"la gravité du mal" doit être "corrigée par son improbabilité". Plus grand est le mal, plus haut est le degré d'improbabilité que nous demandons pour ne pas nous en inquiéter, plus bas le degré de probabilité qui autorise - ou permet - de lancer une action préemptive à son encontre.<br /> <br /> Je sais pas mais, m'semble qu'on a omis d'inclure dans la catégorie "grand mal" l'insatiable intérêt personnel premier d'un gouvernant.
M
La multiplication des aller-retours que j'ai récemment effectués en Europe et par là même des avanies inhérentes aux nouvelles règles de sécurité d'accès dans les avions m'avaient tout d'abord profondément agacée puis fait réfléchir sur le destin qui est le nôtre, s'agissant de confier obligatoirement notre carcasse, d'abord à des machines pour son contrôle à l'aptitude au voyage puis à une autre, métallique cette fois, pour la transporter. Je n'avais néanmoins jamais poussé le mouton à y voir une telle transformation en conglomérat biologique corvéable à merci. Il n'en reste pas moins que le soupçon permanent visant à vous passer sans ménagement au peigne fin dès que vous franchissez un portique, qu'il soit d'aéroport ou chez Carrefour au centre commercial de Melun Sénart a eu le don de provoquer chez moi un vent de "y'en a marre", exacerbé par l'attitude peu amène de ceux qui pratiquent ce périlleux exercice, visant à nous déshabiller dans tous les sens du terme avant de nous "déclarer aptes au voyage" ou "aptes à l'achat".<br /> <br /> En plus, ces crétins des aéroports sont infoutus de se mettre d'accord sur le modèle de sac en plastique qu'il faut utiliser, ce qui signifie qu'au delà d'une pollution supplémentaire impliquant quelque 50 millions de sacs plastiques sacrifiés chaque jour sur l'autel de notre sécurité, il y a en plus la guerre entre Air France et ADP sur le territoire du terminal 2F de Charles de Gaulle... Faudra tout de même qu'on m'explique pourquoi mon flacon de gel douche est moins dangereux une fois sous plastique qu'à l'air libre... mon flacon de parfum lui, qui se promenait innocemment dans mon sac à main s'est ainsi retrouvé entouré de 2 sacs plastiques, le premier ne satisfaisant pas aux critères de l'agent m'ayant imposé le 2ème, malgré que le premier avait été distribué par un autre agent, je crois devenir dingue mais je ne rêve pas... bref, ils m'ont eue à l'usure, je n'avais plus de force pour protester et surtout je ne voulais pas rater mon vol de retour, j'ai donc mis le flacon dans son premier sac dans le 2ème, qui peut le plus peut le moins, le premier qui pose une question je le frappe!<br /> <br /> Alors j'ai pu affronter les portiques, le contrôle du passeport, le nouveau contrôle à flacons dont l'agent vous retire même la cannette de Coca que vous veniez d'acheter pour vous désaltérer, présenté ma carte d'embarquement, retiré mes pompes, regardé mon ordinateur et mes pompes partir dans la gueule frangée du scanner, remis mes pompes, égaré mon passeport dans la boi-boîte bleue où j'avais déposé mon sac à main et pour cette fois (mais seulement cette fois hein?), rattrapé in extremis ma carte d'embarquement qui allait s'envoler, puis, toute esbaudie du tourbillon auquel je venais de survivre, j'ai miraculeusement échappé à la fouille à mano des sacs (à main et ordinateur, vous suivez?), sans doute le scanner avait-il tranquillisé la haie de contrôleurs chargés de lever toute dernière ambiguité que le scanner aurait laissé planer sur un objet, avant dernier obstacle d'un parcours que même certains combattants d'al Qaida ont déclaré ne plus vouloir faire et préféré faire grève.<br /> <br /> Quel est le mouton qui a dit que les voyages forment la jeunesse? <br /> <br /> PS: message à Neo Mauro - on t'attend pour le prochain "Challenge", comprenne qui pourra
N
La Commission de Sécurité des Blogs Voyageant en Avion (CSBVA) a rendu un avis, tel que stipulé par l'ordonnance 27b tiret Z, sur le contenu de ce post.<br /> <br /> Une faille sécuritaire y a été détectée. Nous vous invitons donc à mettre à jour le micrologiciel (ou firmware) de la biopuce de votre hypothalamus.<br /> (voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Micrologiciel <br /> ainsi que : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypothalamus )<br /> <br /> Nous vous rappelons que, faute de la production du certificat idoine sous quinzaine, la Commission est habilitée à demander une contrainte par corps.
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