UNE DÉSILLUSION AVEC UNE MORALE IDIOTE
“Allons, me dis-je en me présentant à la réception, il faut aborder les choses sans idées préconçues !”
Des motifs professionnels, donc trop triviaux pour que je les détaille ici, m’avaient amenés au siège d’un important groupe de presse qui compte parmi ses titres deux prestigieux de ces magazines dits “féminins”.
“Pablo, me disais-je, défais-toi immédiatement de ces expectatives dues à tes impressions (évidemment déplorables) au feuilletage de ces opuscules. Il est totalement absurde de penser que les membres de la rédaction de Cosmopolitan seront à l’image et mesure de ce qu’ils publient : le plus probable est que tu croises, comme dans la plupart des organes de presse, des professionnels un brin désabusés capables de pondre en un temps record trois feuillets impeccables sur un sujet qu’ils ignorent et qui les indiffère.
Il est impossible que le personnel soit composé en écrasante majorité de trentenaires superficielles, greluches évaporées en même temps qu'habillées à la dernière, à la plus voyante et obligatoire des modes, qui commentent dans leurs pages les nouveautés cosmétiques qu’elle reçoivent sous formes d’échantillons emballés dans des enveloppes de kraft matelassées de la main de coursiers qu’elles toisent d’un regard condescendant (accompagné malgré tout d’un sourire de bourgeoise avancée qui compatit aux difficultés du petit peuple). Impossible encore que ces échantillons soient prétextes à des conversations passionnées autour de la machine à café quand les impressions divergent sur la suavité du parfum d’une crème antirides pour adolescente ou l’ergonomie de l’emballage d’une lotion nocturne hydratante à l’adn de concombre spécialement formulée pour les nuits de pleine lune d’équinoxe. Non, ce n’est pas possible.”
Et bien en fait, si.
On voit par là qu’une idée préconçue n’en est pas forcément fausse.
Mais revenons à nos moutons.